« Now I lay me down to sleep,
I pray the Lord my soul to keep;
And if I die before I wake,
I pray the Lord my soul to take. »
Le premier cri de Linceul fut fort, puissant, et rempli de rage ; son premier acte, instinctif et immédiat, un geste d’attaque. Des pensées confuses lacéraient son esprit.
Charger…. Ouvrir une voie… La feinte…
On lui confia plus tard, avec une once de fierté, que toute l’assistance, hormis le Roi, avait reculé d’un pas lors de sa renaissance. Elle s’était redressée, aspirant l’air avec la détermination d’une femme qui vient d’échapper à la noyade, et elle avait toisé, haletante, chacun des visages livides qui l’entouraient, d’abord avec haine, puis sans paraître comprendre. La fatigue et la douleur l’avait ensuite terrassée, rabattue en arrière sur les dalles glacées. Un sol inconnu. Des murs et des plafonds inconnus, des piliers aux macabres sculptures. Des colifichets pendaient ça et là, répandant l’odeur nauséabonde de choses qui avaient dû faire partie d’être vivants un mois ou deux auparavant. La première inspiration de Linceul la prit à la gorge et lui laissa, sur la langue, un goût métallique, sang et cendres mêlés. Elle referma les yeux, peut-être s’endormit-elle quelques instants, bercée par les bruits étouffés de la nécropole.
Je suis chez moi.Il n’y a rien à craindre. Rien.
Tout… est… bien.
Lorsqu’elle les rouvrit, Il était penché sur elle, des mèches de ses longs cheveux couleur de lune l’effleuraient presque. Ce qu’on pouvait voir de son visage souriait dans l’ombre d’un casque aux pointes cruelles. Il y avait beaucoup d’auto-satisfaction dans ce sourire. Si Linceul avait pu jeter un coup d’oeil sur la vaste salle où elle se trouvait, elle aurait constaté qu’il avait congédié les autres. Encore eût-il fallu qu’elle puisse s’extraire de l’emprise de ce regard.
Il dit simplement « Enfin », et sa main gantée de cuir se tendit, un geste d’autorité et non d’amitié.
Une main tendue, un souvenir… Mise en garde… Loyauté…
Mon Roi… Mon Suzerain.
Sous la déferlante de cette voix qui n’était pas une, mais deux, elle roula sur le côté, et se mit péniblement à genoux, ployant devant la puissance et l’intensité de la volonté de son Seigneur. L’énergie de cette femme non-vivante, sans nom, habillée de nuit et couverte de ses longs cheveux blancs épars, se déployait autour d’elle comme les pétales ombreux d’une fleur de cimetière. Au coeur de la corolle, au confluent des fils de la trame du temps, elle attendait. Et Arthas, déjà, prélevait son dû, goutait cette formidable source de puissance, ne cachant pas son exultation.
Potentiellement inépuisable… murmura-t’il pour lui-même, en promenant un regard sans innocence ni clémence sur l’Elfe qui se tenait à sa merci. Ce qu’il vit dut le satisfaire. Il sourit davantage, attrapa une mèche de sa longue chevelure, qui la recouvrait presque comme un suaire, l’écarta pour mieux voir son visage livide, et prononça le nom qui devait être le sien à présent.
Linceul. Me jures-tu allégeance et loyauté.
Ce n’était pas une question, à l’évidence. Mais une condition. Il n’avait même pas laissé planer l’ombre d’une interrogation dans sa voix.
Oui, répondit-elle, la voix rauque. Oui, mon Seigneur.
Tu reviendras me voir quand tu seras prête. Va voir Razuvious. Entraîne-toi.
Elle leva les yeux, reconnaissante du grand honneur qu’il lui faisait. Il laissa retomber ses cheveux, tourna le dos, et quitta la pièce sans rien ajouter de plus.
Frapper l’ennemi trop sûr de lui une fois qu’il s’est engagé dans la faille.
…
Quel ennemi ?… Quelle faille ?…
…
Ma loyauté va à mon Roi.
Lorsqu’il eut franchi la porte, la laissant seule, avec les échos des épées entrechoquées, les incantations sifflantes des acolytes et les cris sortis d’on ne sait où qui résonnaient partout dans la citadelle, elle se releva, et fit quelques pas. Sa longue robe noire bruissait autour d’elle à chaque mouvement, un bruit de vagues, un océan pour noyer son esprit encore davantage dans la confusion. La seule chose stable, la seule chose solide… c’était l’allégeance. Le serment. Cela seul était réel. Cela seul était tangible.
Elle s’y agrippa fermement, et, quand son coeur se serra, elle chassa un vague sentiment de regret avec un haussement d’épaules, comme une chose inexplicable et sans aucune espèce d’importance. Elle noua ses cheveux sur sa nuque, à l’aide d’un lacet de cuir, revêtit les épaulières, la ceinture et les bottes laissées à son intention dans la pièce. Et lorsqu’elle sortit, elle était uniquement emplie du désir ardent de faire ses preuves et de servir son Roi.
« As I lay me down to sleep,
I pray my soul is mine to keep,
And never step outside this bed,
Into all the evil, all the evil…
Now back from the dead. »
C’est joli.
C’est triste.
Vous voudriez témoigner pour une émission de télévision ?
PLZ §
« Elle s’y agrippa fermement, et, quand son coeur se serra, elle chassa un vague sentiment de regret avec un haussement d’épaules, comme une chose inexplicable et sans aucune espèce d’importance »
Jore. Tu verras.
* Imagine Zelys chez Delarue, owi x) *
Je m’aperçois que j’ai oublié de préciser que les bidules en anglais du début du texte sont une prière pour enfants datant du 18ème siècle, qu’on leur faisait réciter juste avant d’aller dormir. Charmant. Rassurant.
Et puis, jore, je demande qu’à voir moi ^^
Pas très rassurant comme prière pour enfant. Beau texte par contre.